Les prix des appartements ont fait un bond de plus de 50 % en dix ans avec un mètre carré qui atteindra la moyenne des 10.000 euros en 2019. Quatre fois plus que dans le reste de la France.
Par Samir Touzani
Le fossé entre Paris et le reste de la France est devenu un gouffre. Dans la capitale, le mètre carré dans l'ancien a grimpé de 50 % en dix ans, passant de 6.380 euros en 2009 à près de 9.500 euros en 2019. Et ce n'est pas fini. « 2019 sera dans la continuité de 2018 avec des prix qui monteront de 1 à 2 % dans l'ensemble de la France et de 2 à 4 % dans les métropoles les plus dynamiques, dont Paris », estime Sébastien de Lafond, président de MeilleursAgents. « Le seuil des 10.000 euros/m² sera franchi dans la capitale », affirme-t-il.
Un seuil symbolique déjà atteint dans la moitié des arrondissements parisiens, dont 6 sont déjà à plus de 11.000 euros le mètre carré. En 2018, pour l'ensemble de la capitale, les prix ont continué de grimper de plus de 5 %. Selon les chiffres du réseau Century 21 (plus de 850 agences), le prix de vente moyen d'un appartement à Paris est de 461.000 euros pour 49,5 m², contre 213.000 euros pour un 85 m² dans le reste de la France. Deux fois plus cher pour deux fois moins de surface.
Un marché parisien frénétique favorisé par le flot d'argent libéré par les banques. On continue aujourd'hui à emprunter autour de 1,5 % à 1,6 % sur vingt ans avec des décotes jusqu'à 1 % pour les meilleurs profils.
« Le nombre d'acquéreurs s'est multiplié avec des jeunes couples qui préfèrent rembourser un crédit plutôt que de payer un loyer », détaille Me Thierry Delesalle, notaire à Paris. Avec cet afflux de primo-accédants dans un parc immobilier parisien où l'on construit très peu, l'augmentation des prix est inévitable et profite aux vendeurs. « Il y a un effet d'étranglement, la demande étant plus forte sur un marché parisien très étroit », ajoute Sébastien de Lafond.
Si étroit que les taux exceptionnellement bas ne suffisent plus aux classes moyennes pour conserver un pouvoir d'achat dans la capitale sans un apport important. Alors que les taux de crédit ont été divisés par trois en dix ans, un emprunteur qui rembourse 1.000 euros par mois pouvait s'offrir 26,7 m² en 2009 contre 21,2 m² en 2019, selon une étude d'un courtier en crédit immobilier. Pour acheter un 50 m² financé par l'emprunt, il faut s'assurer 7.000 euros minimum de revenus par mois ! Résultat : en 2018, les chiffres du réseau Century 21 révèlent que les employés/ouvriers ne représentent plus que 4,5 % des acquéreurs à Paris contre 40 % dans le reste de la France.
« Le marché est principalement alimenté par les acheteurs-vendeurs, ceux qui ont acquis un bien il y a dix ans et qui bénéficient de la hausse des prix à la revente », explique Laurent Vimont, président du réseau d'agences Century 21.
Tous les arrondissements n'ont pas profité de la hausse de la même façon. Les 3e, 10e et 9e sont ceux qui affichent les plus fortes progressions. Centraux mais encore populaires il y a quelques années, leurs prix attractifs ont attiré toute une nouvelle génération de CSP + et leur pouvoir d'achat immobilier. Une décennie de gentrification plus tard, le prix des appartements a explosé avec un bond de 70 % dans ces trois arrondissements, où le mètre carré plafonne désormais autour des 10.000 euros.
Désormais, « les arrondissements centraux sont devenus trop chers, même avec un budget confortable », explique Me Delesalle. Les 18e, 19e et 20e arrondissements sont les marchés de report privilégiés pour ceux qui veulent rester parisiens mais gagner en mètres carrés. Et leurs prix ont déjà grimpé de plus de 60 % ces dix dernières années. Dans cette course au prix/m², les quartiers populaires vont continuer à accélérer comme le nord du 17e. Dans certains secteurs du 18e et 19e, des perspectives de plus-values importantes sont encore envisageables.
« Mais nous observons un phénomène inconnu jusqu'à aujourd'hui, la flambée du haut de gamme et surtout de l'appartement familial de 150 à 200 m² dans les beaux quartiers », explique Sébastien de Lafond. Toutes les agences spécialisées à Paris ont enregistré des volumes de ventes records. « Ce n'est pas sain, car, par effet de capillarité, les biens qui se situent dans la gamme en dessous, entre 100 et 150 m², sont entraînés par cette hausse. » Une flambée qui ne se cantonne plus aux quartiers chics avec une forte demande dans les quartiers branchés du 9e, 10e ou 11e.
Et le très haut de gamme n'est pas en reste. « Sur les biens à plus de 3 millions d'euros, les prix sont en train de bondir, avec l'arrivée d'une clientèle internationale. Les Anglais, les Américains et les Asiatiques sont à l'oeuvre », renchérit le président de MeilleursAgentsDébut 2019, un appartement dans le 7e arrondissement a été vendu pour 39 millions d'euros. Un record. Et ce n'est pas un hasard si l'acquéreur est un riche industriel britannique. « On assiste aux  , mais aussi à l'effet Macron. »
Une flambée des prix qui suscite des inquiétudes. Dans son dernier rapport sur les risques de bulle immobilière, la banque suisse UBS pointe des « déséquilibres majeurs » sur le marché parisien, qualifié de « surévalué ». Un risque écarté par Laurent Vimont. « Ce n'est pas un marché spéculatif, c'est un marché de vendeur acheteur sur des actifs peu liquides. Le marché purgera ses excès lui-même quand il aura atteint ses limites. »
Mais devenu trop cher, même pour les ménages aux revenus confortables, Paris intra muros se vide. En cinq ans, la capitale a perdu 60.000 habitants selon l'Insee. Le mouvement observé vers les arrondissements périphériques comme le 19e ou le 20e s'amplifie et nombreux sont ceux qui n'hésitent plus à franchir les portes de Paris. « Passé le périphérique, les prix s'écroulent, on peut gagner jusqu'à 40 % de pouvoir d'achat », analyse Me Delesalle. La petite couronne est devenue le terrain privilégié des primo-accédants et le Grand Paris devrait accélérer cette extension du marché parisien vers une banlieue encore bon marché.
Tous droits réservés – Les Echos 2022

source

Catégorisé: