Les dernières statistiques des professionnels de l’immobilier français font froid dans le dos et montrent clairement que la bulle immobilière hexagonale est en train de se dégonfler très sérieusement. En effet, que ce soient avec les statistiques d’Orpi, de Seloger ou de MeilleursAgents, trois grandes tendances se confirment. Premièrement, les prix des logements anciens ne flambent plus. Certes, ils continuent d’augmenter, notamment dans les villes jusqu’à présent épargnées par la bulle. Selon SeLoger, le palmarès des glissements annuels des prix les plus élevés est ainsi le suivant : +19,9% à Bayonne, +19,8% à Dunkerque, +19,7% à Laval ou encore +19,2% à Saint-Nazaire. Au niveau national, le glissement annuel des prix tombe cependant à +0,2%, toujours selon SeLoger, après une hausse annuelle de 7,1% au quatrième trimestre 2021 selon les statistiques des Notaires.
Deuxième tendance de fond : dans certaines grandes villes, où les prix avaient particulièrement flambé ces dernières années, la baisse des prix a déjà commencé. Et ce en particulier à Paris. Selon MeilleursAgents, les prix immobiliers y reculent même depuis sept mois consécutifs. Du jamais vu depuis dix ans ! En mars, ils subissent encore un repli de 0,5%, après déjà -1 % au quatrième trimestre 2021 selon les chiffres des Notaires. En moyenne, le prix du mètre carré parisien est ainsi passé de quasiment 11 000 euros l’été dernier à désormais légèrement au-dessus de 10.000 euros. A l’évidence, la douche est froide !
Encore plus grave et troisièmement, les ventes de logements anciens sont en train de s’effondrer. -17% sur un an au premier trimestre 2022 selon Orpi, ce qui marque un retour vers le niveau de 2018. Selon Seloger, les ventes ont chuté de 9% en février et se situent 22% sous leur moyenne de longue période. Cet effondrement s’explique à la fois par la faiblesse des biens à vendre, mais aussi par la baisse de la demande effective. Car si la demande potentielle est évidemment toujours forte, la demande effectivement solvable et crédible ne cesse de se réduire compte tenu de la flambée des prix des dernières années. Et si, jusqu’à récemment, l’écart croissant entre la hausse des prix et la faiblesse des revenus des ménages a pu être compensé par les niveaux artificiellement bas des taux d’intérêt, ce n’est désormais plus le cas.
En effet, compte tenu de la flambée inflationniste passée et à venir, de l’explosion de la dette publique, mais aussi de la fin progressive de la “planche à billets” de la BCE, les taux d’intérêt de la dette publique française augmentent tout à fait logiquement. Le taux d’intérêt à dix ans des obligations de l’Etat français est ainsi passé de -0,03% le 17 décembre 2021 à 1,25% les 7 et 8 avril, un plus haut depuis juillet 2015.
A l’époque, le taux d’intérêt moyen des crédits immobiliers aux particuliers (hors assurances) était de 2,1%, contre environ 1,1% en février 2022. Autrement dit, celui-ci va très vite augmenter non seulement pour répercuter la hausse récente des taux obligataires, mais aussi parce que les banques commencent à sérieusement resserrer leurs conditions d’octroi de crédit. Le pire est que, compte tenu de l’augmentation à venir de l’inflation, les taux d’intérêt des obligations d’Etat vont encore se tendre et les taux des crédits immobiliers avec. Selon nos estimations, le taux d’intérêt à dix ans des obligations de l’Etat français pourrait avoisiner les 2,5% d’ici l’été, ce qui se traduirait par une augmentation du taux moyen des crédits immobiliers vers les 3,5%.
Or, si les taux d’intérêt des crédits augmentent, l’écart entre le niveau des prix immobiliers et les revenus des ménages devient de plus en plus insoutenable, ce qui suscite inévitablement une baisse de la demande de logements et une chute des prix par la même occasion. C’est exactement ce que montre le graphique ci-dessous qui compare les prix des logements en France et l’évolution du taux d’intérêt de l’OAT à 10 ans en échelle inversée. De la même façon que la baisse de ce dernier soutient la hausse des prix (flèches vertes en 2010-2012 et de 2016 à 2021), son augmentation alimente la baisse des prix (flèches violettes en 2007-2008 et pour 2022…).
De plus, n’oublions pas que le taux d’endettement des ménages français a atteint un nouveau record historique de 101,8% de leur revenu disponible au troisième trimestre 2021. De nombreux ménages se sont donc mis en danger et ne pourront pas supporter le retour de la stagflation (c’est-à-dire d’une situation de stagnation économique et d’inflation élevée), qui a d’ailleurs déjà commencé.
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Parmi eux et malheureusement, certains seront même contraints de vendre leur bien immobilier pour raison de surendettement.
Au total, compte tenu de l’ensemble de ces évolutions, les prix des logements anciens devraient baisser d’au moins 15% d’ici un an en moyenne sur l’ensemble du territoire français. Si cette perspective fait peur à certains, il est toutefois utile de rappeler que la baisse des prix est loin d’être une mauvaise nouvelle. Elle pourrait même au contraire s’avérer salutaire, ne serait-ce que pour redonner de la solvabilité à une demande fragile.
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Les agents immobiliers ont d’ailleurs tout intérêt à ce que les prix reculent modérément, de manière à augmenter le nombre de transactions plutôt que de voir les prix continuer de monter avec de moins en moins d’opérations. De plus, une fois la correction passée et la bulle dégonflée, l’immobilier français pourra repartir sur des bases plus saines. Ce qui signifie que les prix remonteront progressivement. Comme toujours, l’immobilier restera donc une valeur refuge et un placement porteur à moyen terme. Il a simplement besoin d’un “Reset” pour pouvoir se reconnecter à la réalité économique et repartir sur des fondamentaux plus robustes.
Marc Touati, économiste, président du cabinet ACDEFI
Son nouveau livre “RESET – Quel nouveau monde pour demain ?” est en tête des ventes des essais économiques depuis sa sortie le 2 septembre 2020
Vous pouvez également retrouver ses chroniques vidéos sur sa chaîne Youtube, dont la dernière, “Immobilier en France : quelle sera l’ampleur de la chute ?”
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